Aimé Césaire et Audrey Pulvar: Les n° 1

Posted on Oct 20, 2010 @ 10:06

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Je suis choqué, tétanisé, énervé et agacé par le titre honteux ce matin du journal Le Point. Les yeux écarquillés, j’ai lu et j’ai du mal à comprendre son titre de ce matin dans son édition Internet sur Audrey Pulvar. Oser dire que la journaliste, major de sa promotion dit en passant, s’est emportée contre Jean-Paul Guerlain le négrier et raciste condescendant, c’est de prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages.

Voici le titre exact: La journaliste Audrey Pulvar s’emporte contre Jean-Paul Guerlain. Un article du spécialiste médias de la maison que j’aime pourtant beaucoup, Emmanuel Berretta. Ça n’enlève pas l’estime que j’ai du personnage mais son titre est excessif. Les mots ont un sens. S’emporter c’est in extenso, tempêter, bouillir, s’irriter, éclater, fulminer, s’emballer, se déchaîner. Franchement, Audrey Pulvar a été classe. N’oublions pas qu’une autre passion de cette femme d’honneur c’est la littérature. Elle s’est donc appuyée pour finir, sur un poème haut en couleurs d’Aimé Césaire, le plus grand poète francophone, jusqu’à preuve du contraire.


J’ai lu ici et là que « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… » n’était qu’une petite phrase et qu’il ne fallait pas s’emporter. Étonnant. D’ailleurs, j’avoue que c’est la première fois que j’en parle mais, c’est juste pour fustiger ceux qui veulent minimiser la sortie raciste de ce quidam de Guerlain. Un deux poids deux mesures qui risque demain de faire des vagues puisque, finalement, dans une République qui se dit juste, pour la liberté, l’égalité et la fraternité, le racisme de Guerlain est considéré comme un simple dérapage. France 2 a enfin mis en demeure France2. Elise Lucet qui a ricané de ces propos devrait logiquement être suspendue d’antenne si la logique primait…mais enfin.

Ce n’est pas un coup de gueule mais un coup de coeur envers Audrey Pulvar et Aimé Césaire. Ces nègres qui emmerdent ceux qui veulent à nouveau les réduire en esclavage. Ces nègres fiers. Ces nègres debouts. Ces nègres à fière allure. Ces nègres enlevés d’Afrique et qui ne sont pas arrivés en Matinique par une croisière. D’un côté, on a la meilleure journaliste de France et de Navarre, et de l’autre, le plus grand poète francophone des temps modernes, Aimé Césaire qui écrivit le poème lu par Audrey Pulvar en 1961 intitulé « Le Mot ». Je vous le présente:

LE MOT

Parmi moi

de moi-même

à moi-même

hors toute constellation

en mes mains serré seulement

le rare hoquet d’un ultime spasme délirant

vibre mot

j’aurai chance hors du labyrinthe

plus long plus large vibre

en ondes de plus en plus serrées

en lasso où me prendre

en corde où me pendre

et que me clouent toutes les flèches

et leur curare le plus amer

au beau poteau – mitan de très fraîches étoiles

vibre

vibre essence même de l’ombre

en ailes en gosier c’est à force de périr

le mot nègre

sorti tout armé du hurlement

d’une fleur vénéneuse

le mot nègre

tout pouacre de parasites

le mot nègre

tout plein de brigands qui rôdent

de mères qui crient

d’enfants qui pleurent

le mot nègre

un grésillement de chairs qui brûlent

acre et de corne

le mot nègre

comme le soleil qui saigne de la griffe

sur le trottoir des nuages

le mot nègre

comme le dernier rire vêlé de l’innocence

entre les crocs du tigre

et comme le soleil est un claquement de balles

et comme le mot nuit un taffetas qu’on déchire

le mot nègre

dru

savez-vous

du tonnerre d’un été

que s’arrogent

des libertés incrédules