Syrie: Deux semaines à Damas. Le bilan de Mme Marie-Ève Bédard, journaliste de Radio-Canada

Posted on Mar 1, 2013 @ 16:15

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Marie-Ève Bédard

Marie-Ève Bédard

L’article qui suit expose les pratiques journalistiques de la Société Radio-Canada.

Cela peut sembler bien local pour nos amis Africains ou Européens, cependant, cet exemple radio-canadien est représentatif de tous les médias occidentaux qui nous exposent la guerre de Syrie. 

Tous les médias occidentaux nous offrent, tel un bataillon médiatique bien discipliné, les mêmes approches, les mêmes thèmes avec sensiblement les mêmes mots et exactement les mêmes émotions, et ce, aux mêmes moments pratiquement aux mêmes heures.  Un discours identique, unissonique , peu importe le média et peu importe le continent.

Depuis deux ans, sans avoir aucun journaliste sur place (ou si peu), nous n’avons jamais été autant informés (SIC) quotidiennement des moindres détails (!) de cette guerre.  On nous a fait le décompte quotidien des morts à l’aide de ce fabuleux organisme londonien (une personne) s’identifiant comme étant l’OSDH (Observatoire syrien des droits de l’homme).

Exactement tous nos médias occidentaux nous ont dit que le « régime » refusait de délivrer des visas et donc ils ne pouvaient être sur place pour nous informer plus adéquatement.

Le cas radio-canadien est identique à tous nos médias de masse.  Il ne faut donc pas considérer cette nouvelle comme étant typique du Canada.

Le journalisme c’est récolter des faits et les exposer afin que chacun d’entre nous puisse construire le casse-tête de la réalité.

Il n’existe qu’une seule réalité, mais plusieurs perceptions de celle-ci.

Tout dépendant de l’information dont nous disposons, notre perception de la réalité peut varier énormément.

Le travail du journaliste est de faire en sorte que les perceptions soient le plus conformes à la réalité véritable et unique qui prévaut. Son rôle est de combattre les fausses perceptions en démontrant bien humblement et méticuleusement les faits véritables, vérifiables et indéniables.

Mardi dernier (26 février 2013), Jacques Beauchamp qui anime l’émission de Désautels sur les ondes radio de Radio-Canada recevait Mme Marie-Ève Bédard fraîchement de retour de Damas. 

À écouter ici: Radio-Canada

Elle nous livrait sa «perception» de la guerre syrienne.  Elle débordait de son rôle de journaliste pour nous faire part de sa vision bien personnelle suite à son passage de deux semaines à Damas.

En tout premier lieu, l’animateur fait remarquer (à 50 secondes du début) que ce n’est tout de même pas banal de se rendre à Damas comme le soulignait d’ailleurs cet article: Radio Canada légalement à Damas.

On dit qu’il est difficile d’obtenir un visa pour effectuer le métier de journaliste à Damas.  Il faut, dit-on, de longues tractations pour obtenir un tel visa et son obtention est donc une victoire pour l’information.   Les visas sont accordés au compte-goutte, nous dit Marie-Ève à 2 min. 10 sec..

Ceci est un fait sans doute véritable et sûrement vérifiable.

Mme Bédard nous expose avec emphase les contraintes imposées par le « régime« .  Elle nous dit qu’il y a de nombreux points de contrôle à Damas.  Ce que l’on ne peut mettre en doute, il serait étrange qu’un Pays en guerre contre le terrorisme et l’invasion étrangère ne mette pas en place de nombreux points de contrôle.

Elle dit (à 1;26) que l’on « estime » à  500 points de contrôle.  Qui donc « estime » ainsi ?  Il aurait été bon de préciser le «on» de «on estime».

Est-ce le gouvernement Assad ?  Est-ce l’état major de l’OTAN qui scrute sans doute le moindre mouvement de ce Pays ?  Est-ce cette personne de Londres qui tient lieu d’OSDH ?  Mme Bédard ne précise pas sa source ni la méthodologie employée. 

Il est clair qu’il y a de nombreux points de contrôle à Damas.

En serait-il autrement partout où le terrorisme sévit si intensément et qu’une menace bien réelle d’invasion se fait sentir (invasion comme celle de la Libye par les bombardiers de l’OTAN;  huit mois de bombardements massifs!) ?

Il est surprenant que Mme Bédard ne trouve pas « normaux » ces nombreux points de contrôle.  Le terrorisme est pourtant bien présent. Pour preuve cet attentat crapuleux qui eut lieu exactement le jour même du départ de Damas de Mme Bédard.  Des écoles détruites et plusieurs enfants tués. 

Mme Bédard est sans doute trop jeune pour se souvenir des nombreux points de contrôle partout à Montréal en octobre 70 

Le « régime » canadien avait installé des centaines de points de contrôle sur l’ile de Montréal à l’entrée des ponts et un peu partout.  C’était pour contrer un terrorisme bien moins virulent que celui qui prévaut en Syrie.  Le terrorisme de l’époque ne s’en prenait surtout aux boîtes postales du riche quartier anglophone de Westmount et ne faisait que très rarement des victimes. 

Surprenant aussi que Mme Bédard trouve anormal qu’en ce temps de guerre les autorités militaires syriennes ne dévoilent pas leur stratégie et leurs méthodes à la presse !   Même ici nos policiers tolèrent difficilement que l’on tourne leurs méthodes lors de simples manifestations.  Les caméras sont rapidement ciblées par la police.   Les forces de l’ordre et les forces militaires syriennes ont exactement le même comportement que toutes les forces militaires du monde.  Et, bien sûr, «en temps de guerre», l’information est partout strictement contrôlée.

Mme Bédard dit qu’ils étaient libres de circuler à l’intérieur de la ville même.  Il semble assez normal que pour sa propre sécurité les autorités l’aient empêché de se rendre dans des lieux pouvant mettre sa vie en danger.  Pensons à Gilles Jacquier tué par des roquettes rebelles dans un quartier alaouite.   Et pensons à tous ces journalistes, photographes et caméramans qui risquent leur vie pour quelques plans de gens s’entretuant.  Des plans qui n’ont d’autres buts que de donner de la sensation à la nouvelle sans rien expliquer des conflits.

Mme Bédard dit qu’ils avaient un permis pour tourner ce que l’on peut voir dans la rue (à 1;10).

Pourquoi donc ne pas nous avoir montré la rue, la circulation ?

L’équipe de RC ne pouvait pas tourner ce qui concerne la sécurité et les contrôles, ce qui est assez normal si l’on considère la situation extrême qui prévaut en ces lieux. 

On aurait pu nous faire voir les désagréments de ces points de contrôles à travers les yeux des employés de l’hôtel ou à travers l’expression des gens de la rue.

Pourquoi ne pas avoir donné la parole aux gens sur la rue à des endroits où les points de contrôle sont absents ?

Mme Bédard et M. Castonguay savaient clairement qu’ils ne pouvaient tourner ce qui touche la sécurité et les points de contrôle, alors pourquoi donc s’acharnaient-ils à vouloir installer leur caméra à ces endroits interdits? Il devait bien avoir multitudes d’endroits pour nous faire voir la vie de Damas à des carrefours sans contrôle policier ou militaire.  Damas est une métropole de près de 2 millions d’habitants.  Il y a sûrement des milliers de carrefours où l’on aurait pu installer une caméra sans que celle-ci ne pointe vers un point de contrôle.  Des endroits où l’on aurait pu interroger les Damascènes, hommes et femmes.

Mme Bédard donne l’impression d’avoir voulu être à Damas pour filmer la guerre. 

Pourquoi donc Mme Bédard tenait tant à filmer la guerre ?

Tout le monde sait qu’en tant de guerres tout gouvernement interdit de filmer sa force ou ses faiblesses ainsi que ses méthodes et stratégies.  Nul besoin de suivre le cours de stratégie militaire pour les nuls pour en être conscient.

Et que nous aurait apporté au niveau information que la caméra de Sylvain Castonguay se rende sur la ligne de front ?

Il nous l’a déjà montré en novembre dernier (clic). 

Quel est cet acharnement à vouloir  nous montrer le sang encore bien rouge d’un soldat ou d’un rebelle fraîchement tué ou d’un tireur visant à travers un trou ?

Qu’est-ce que le front, les armes, les soldats ou les rebelles «en armes» peuvent nous apprendre ?  Absolument rien. 

Ce qui était intéressant d’aller découvrir à Damas c’est comment vivent les gens et surtout connaître ce qu’ils et elles pensent de ce conflit, de ce terrorisme. 

Le « régime » permettait ce type de tournage.

Comment expliquer que Mme Bédard n’ait pas cherché à nous faire entendre ce que pensent les Damascènes, ces hommes et ces femmes qui vivent les difficultés des embargos qui fait monter les prix des produits essentiels et qui sont sous la menace de rebelles terroristes et de leurs atrocités ?

Le « régime » n’interdisait pas de rencontrer les gens.

Les employés de l’hôtel refusaient-ils les entrevues ?

Refusaient-ils de parler à la caméra ?

Sûrement pas.

Mme Bédard affirme que le « régime » a perdu la guerre de l’image ! (à 2;15)

Y a-t-il une guerre de l’image ?

Et si oui, Mme Bédard voulait-elle y participer ?

Mme Bédard participe-t-elle à cette guerre de l’image contre le gouvernement syrien, le « régime » comme elle dit ?

Mme Bédard joue-t-elle à cette guerre de l’image ou fait-elle du journalisme ?

Le journalisme est là pour recueillir ces morceaux de la réalité pouvant nous aider à construire notre propre casse-tête, notre propre opinion.

Qu’est-ce qui aurait pu nous être utile pour construire notre casse-tête de la réalité ?

Quels sont les morceaux manquants importants de ce casse-tête ?

– Savoir clairement ce que les gens de Damas pensent.

Voilà «le» gros morceau qui nous manque.

Nous sommes tous des défenseurs de la démocratie.  

La démocratie c’est le respect de la volonté populaire. 

Il est donc essentiel pour construire adéquatement notre casse-tête de la réalité syrienne de savoir précisément ce que pensent la majorité des gens de Damas et de la Syrie en général.  Mme Bédard sur place à Damas pouvait nous faire entendre les Damascènes, hommes et femmes pour que nous puissions «enfin» avoir ce morceau important de la réalité.

Nous avons besoin de savoir si ces gens appuient ou non Bachar al-Assad.

Et s’ils ne l’appuient pas, nous avons besoin de savoir par qui ils veulent le remplacer.

Le « régime » interdisait-il à l’équipe de Radio-Canada à Damas de demander à la population si elle appuyait ou non son gouvernement ?

Les gens refusaient-ils de s’adresser à la caméra de RC ?

Pourquoi le tournage de cette dame qui a reçu Mme Bédard et M. Castonguay (clic) pour un chaleureux repas n’a jamais été diffusé ?

Pourquoi les commentaires sous ce blog racontant ce repas ont-ils tous été effacés ? 

(Radio-Canada, à l’instar de tous les médias de masse occidentaux, manipule l’information de la nouvelle aux commentaires.)

Mme Bédard (à 2h45) nous fait l’éloge de la gestion des visas (sic) par les rebelles qui contrôleraient, selon elle, la frontière avec la Turquie.  Elle nous décrit la situation comme si un « gouvernement » rebelle gérait la frontière. Mme Bédard nous dit que les rebelles ont une «machine médiatique assez efficace».  Ça, on le constate clairement à travers tous nos médias de masse depuis deux ans déjà.

Est-ce la machine médiatique des rebelles ou celle que les prédateurs étrangers mettent à leur disposition ? 

Mme Bédard met-elle son épaule à la roue de cette «machine médiatique assez efficace» ?

A-t-elle un penchant pour les rebelles ?

Est-ce le rôle d’une journaliste d’avoir un penchant pour autre chose que la réalité ?  Que disait donc cette dame qui l’a reçue pour un chaleureux repas ?

Pourrait-on la voir et l’entendre comme Mme Bédard nous a fait voir et entendre les rebelles en novembre dernier ?

À 3 minutes 25, M. Beauchamp nous parle, selon ses termes, de ce «soi-disant» appui à Damas, au « régime« .  Il dit (à 3;55)

« cette espèce de version « pro-régime » dans quelle mesure est-elle fiable, elle est réelle ?  Y-a-t-il des gens qui sont farouchement en appui avec le « régime » ?» Mme Bédard répond catégoriquement «oui», mais elle s’empresse d’ajouter son « sentiment » non scientifique (selon ses termes) disant qu’il n’y a pas autant de ces gens farouchement en appui que cela semble être le cas !

Il aurait été plus valable pour construire notre casse-tête personnel de la réalité de s’en tenir aux faits, aux constats faits sur place et laisser tomber les « sentiments non scientifiques ».  Une journaliste a pour mission de rapporter les faits tel quel et non sa perception non scientifique, voire idéologique.

Elle explique que selon elle, les gens ne sont pas vraiment pour Bachar al-Assad, mais plutôt craignent d’avoir pire, c’est-à-dire ces salafistes qui sèment la terreur partout et qui veulent imposer leur loi.  Les gens seraient du côté du « régime » parce qu’ils craindraient une sorte d’épuration religieuse.

Mme Bédard nous affirme que le gouvernement syrien (le « régime« )  a fait croire efficacement à la population qu’il est en guerre contre des islamistes étrangers, ce qui, selon l’impression qu’elle nous donne, serait totalement faux.   Le « régime » induirait donc la population en erreur et obtiendrait ainsi son appui. 

Paradoxalement, à 5;50 elle nous parle de ces islamistes étrangers qui ont envahi la Syrie avec des armes.

Elle dit : «il y a une influence claire des islamistes étrangers qui sont arrivés, eux, avec des ressources, qui sont arrivés avec de l’expérience de combat et qui sont prêts à mourir pour la cause (quelle cause?) et qui menaient les opérations «les plus spectaculaires»  !»

Mme Bédard confirme aussi que la guerre syrienne n’est pas une guerre civile en nous disant que les Pays étrangers ont eu une réticence à les armer ces fanatiques: (à 6;10) «il y a eu en même temps une réticence des Pays étrangers à armer les rebelles et à les soutenir du côté militaire !»

Il est clair que Mme Bédard ne peut se permettre de cacher ces faits:  

– La Syrie est en lutte contre des fanatiques islamistes étrangers

– Les Pays étrangers appuient ces terroristes. 

Il est clair que sans cet appui, aucun groupe ne peut tenir tête pendant deux ans à l’armée disciplinée, entraînée et bien équipée d’un Pays comme la Syrie. 

Ce sont deux faits indéniables pour construire notre casse-tête de la réalité du conflit syrien:  Il y a des terroristes fanatiques islamistes étrangers bien équipés et il y a un appui militaire et ou logistique et ou financier des Pays étrangers. 

Mais malgré qu’elle nous décrive aussi clairement cette réalité indéniable, elle dit que, selon elle, les Syriens et les Syriennes qui appuient Bachar al-Assad sont tout simplement mal informés.  Elle affirme « qu’il y a une compréhension de la réalité qu’ils ne sont pas en mesure d’obtenir !» (à 4;50)  Un raisonnement difficile à comprendre.

Pourrait-on aussi dire que de notre côté aussi nous avons une compréhension de la réalité que nous ne sommes pas en mesure d’obtenir parce qu’on ne peut se rendre sur place ?

Chez nous, savons-nous clairement tous les dessous de ce sale conflit qui perdure depuis deux ans ?

Selon M. Beauchamp, la chute de ce qu’il appelle le « régime » est inéluctable.

On dit cela depuis plus d’un an.

Octobre 2011:

« La chute du « régime » syrien n’est qu’une question de temps« 

Janvier 2012

Barak prédit la fin du « régime » syrien

On parle aussi que la menace islamiste n’est pas sérieuse. 

Exactement comme nous le disait Sami Aoun en juillet 2012; même cassette !

Écoutez Sami Aoun qui nous parle des philanthropes qui financent ces terroristes et qui nous dit que le fanatisme islamique (clic) n’est pas tellement « présent » !

Ces mêmes fanatiques, on les bombarde au Mali, on est leurs associés en Libye et on les encourage en Syrie. 

M. Beauchamp dit que selon un « spécialiste » interviewé il y a quelques semaines, la majorité des islamistes rebelles ne seraient pas tellement islamiques.   On constate qu’ils sont toujours « modérés » lorsqu’ils sont utiles.  Ceci est un fait et non une perception.  On constate aussi que ces mêmes islamistes peuvent servir de prétexte pour envahir militairement un territoire comme l’invasion actuelle du Mali par l’armée française.

À 6;45, Mme Bédard dit que les rebelles avouent utiliser les fanatiques islamistes étrangers pour renverser Bachar al-Assad.

On souligne la question de l’unité de la Syrie.

Il est clair, tout comme en Libye que ceux qui veulent détruire la Syrie veulent aussi la diviser.  Diviser pour régner n’est pas une vulgaire théorie.  C’est une technique clairement mise en application par ceux qui tiennent à régner.

Cela prendra des années pour les « réunifier » dit Mme Bédard.  C’est la formule classique pour nous faire accepter une occupation militaire favorisant la division comme nous l’observons en Irak ou en Afghanistan ou encore en Libye et même en Côte d’Ivoire.  On installe le contrôle militaire d’armées coopérant avec la vision de ceux qui contrôlent presque en totalité le monde et on favorise la division qui entraîne des luttes internes infinies.

On termine en parlant de cette mise en scène de « volonté » de négociations pacifiques !   Ces négociations qui ne seront jamais acceptées par ceux qui veulent renverser coûte que coûte le gouvernement Assad.

Bien entendu, Mme Bédard nous dit que les négociations risquent d’échouer à cause du méchant Bachar.  Les rebelles sont de leur côté des êtres qui ne veulent que négocier la Paix ?

À 8;30 elle dit «est-ce que le « régime » est sincère… je ne pense pas qu’il se sente encore suffisamment menacé… »

Radio-Canada nous démontre, une fois de plus, qu’il ne fait pas de journalisme, mais bien du discours idéologique.

Il est intéressant de compter le nombre de fois que le mot « régime » a été employé.

Exactement 17 fois en 8 minutes.  Une fois toutes les 30 secondes.

Si vous n’avez pas compris qu’il s’agit d’un « régime » et qu’il est méchant, vous ne comprendrez jamais.

Si Radio-Canada ne faisait pas de la propagande idéologique, le mot gouvernement aurait été employé. L’utilisation du terme « régime » entraîne automatiquement une prise de position claire envers un des partis en guerre.

Serge Charbonneau

Québec

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